En urologie, la sinistralité reste relativement faible en comparaison à certaines spécialités chirurgicales. L’augmentation des mises en cause en urologie concerne majoritairement les actes réalisés autour de la voie urinaire supérieure. L’uretère et la vessie sont particulièrement exposés aux lésions iatrogènes, surtout dans la chirurgie pelvienne.
Les mécanismes les plus fréquents correspondent soit à un traumatisme direct (section, ligature, lésion par écrasement et coagulation), soit à un traumatisme indirect par ischémie liée à la dissection ou à une blessure thermique.
Les différentes chirurgies en urologie et leur risques
Pour les plaies urétérales, le tiers distal de l’uretère est particulièrement vulnérable et exposé dans la chirurgie du pelvis. L’incidence lésionnelle est beaucoup plus marquée pour la chirurgie gynécologique (64 à 82%) que pour la chirurgie colo-rectale (15 à 26%) et urologique (11 à 30%)1. L’hystérectomie, l’intervention type Wertheim, la chirurgie de l’endométriose profonde, les exentérations pelviennes sont incriminées avec un risque important en chirurgie laparoscopique.
Les plaies urétérales par brûlure thermique sont de plus en plus fréquentes. Le risque est lié à une utilisation inadaptée du dispositif de thermo-fusion ou encore à un mauvais positionnement de la pince. Il est aussi dépendant de l’importance de l’exérèse tumorale et de la pathologie traitée. La chirurgie laparoscopique ou robot-assistée peut exposer à des brûlures viscérales per-opératoires méconnues car survenant en dehors du champ de vision. Des préconisations techniques ont été émises en raison de l’augmentation des lésions urétérales par thermo-fusion lors de l’hystérectomie vaginale.
👀 La prise en charge des plaies urétérales iatrogènes relève de la compétence de l’urologue, soit en urgence à l’appel d’un collègue, soit de façon différée par rapport à l’acte générateur du dommage.
Les plaies de vessie occasionnées par la chirurgie pelvienne gynéco-obstétricale sont le plus souvent reconnues lors de l’intervention et suturées. Le problème se pose pour des plaies trigonales et postérieures de réparation plus complexe ou méconnues, à l’origine de fistules vésico-vaginales. En France, on relève environ 300 fistules vésico-vaginales par an2.
1- Adult iatrogenic ureteral injury and stricture–incidence and treatment strategies- Asian J Urol. 2018 Apr ; 5(2) : 101–106.
2- Épidémiologie des fistules vésico-vaginales opérées en France dans la dernière décennie issue de l’analyse de la base PMSI – Prog. Urol. 2019, Volume 29, 13, Page 723.
Mises en cause en urologie : comment les éviter ?
Les deux dossiers présentés ci-dessous nous montrent la nécessité d’une vigilance accrue, d’une information et d’une traçabilité les plus complètes possibles lorsque l’urologue est appelé en urgence, que ce soit à la requête d’un collègue en difficulté lors d’une intervention ou lorsqu’il est amené à prendre en charge une complication secondaire.
Découvrez ces deux cas de mise en cause d’urologue :
Plaie de vessie méconnue
Cette patiente de 61 ans, aux antécédents d’hystérectomie subtotale pour fibrome, présente une lésion suspecte du col restant, indiquant une conisation avec biopsies du dôme vaginal ; les prélèvements sont réalisés au bistouri électrique et une hémostase locale est nécessaire. Lors de son intervention, le gynécologue constate une perforation du cul de sac de Douglas avec protrusion d’une anse grêle ; une suture est réalisée dans le même temps opératoire après réintégration de l’anse intestinale.
A J2, au retrait de la sonde urinaire, la patiente présente un tableau de péritonite aiguë, nécessitant l’intervention urgente d’un chirurgien généraliste avec laparo-conversion pour uro-péritoine du fait d’une brèche de la paroi vésicale postérieure. Cette dernière est suturée en un plan avec vérification de l’étanchéité de la vessie par un urologue remplaçant, appelé en cours d’intervention. Les suites sont marquées par la survenue précoce de fuites urinaires malgré le maintien d’une sonde de Foley.
La patiente est transférée un mois plus tard en centre spécialisé pour bilan et traitement de l’adénocarcinome à cellules claires pT1 marge positive, correspondant en une tumeur infiltrante agressive, sans qu’il n’ait été fait état d’une fistule vésico-vaginale jusqu’alors.
‼️ La complication initiale a eu des conséquences très graves puisque la survenue de la fistule a modifié la stratégie de traitement recommandée pour un cancer du col restant au stade pT1. Tout traitement local a été contre-indiqué, conduisant après plusieurs avis RCP à une pelvectomie antérieure avec colpectomie totale et dérivation urinaire de type Bricker.
Les suites opératoires en ont été simples et il n’a pas été retrouvé de cellule carcinomateuse à l’examen de la pièce opératoire. La patiente se plaint des conséquences de cette intervention mutilante sur le plan urinaire et sexuel avec un impact psycho-social majeur.
Ce contentieux pose plusieurs questions sur la responsabilité des différents intervenants :
- Information sur le risque d’une complication exceptionnelle
- Aléa ou accident médical fautif pour la complication de la conisation
- Méconnaissance initiale de la plaie vésicale
- Echec de la réparation de la vessie par un urologue remplaçant
- Retard diagnostique de la fistule vésico-vaginale secondaire
- Contre-indication d’un traitement local du cancer avec réalisation d’une exentération pelvienne antérieure
Plaie urétérale compliquée
Cette patiente de 71 ans, retraitée, est traitée par colectomie recto-sigmoïdienne coelioscopique pour carcinome du colon gauche. Une plaie urétérale, pour laquelle une brûlure thermique sera évoquée, nécessite la prise en charge per-opératoire d’un urologue qui réalise une résection segmentaire de l’uretère gauche avec anastomose termino-terminale sur sonde JJ. Trois mois plus tard, devant la découverte d’une sténose lombaire infranchissable, un second urologue pose une néphrostomie, puis réintervient par résection-suture au niveau du rétrécissement lombaire.
Les mois suivants sont marqués par la survenue d’une bactériémie à SARM, la mise en place en urgence d’une endoprothèse aortique pour suspicion de rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale de survenue récente. Après un délai de deux mois, une hémorragie digestive révèle une fistule aorto-duodénale (D3) secondaire à une infection prothétique dans le cadre d’une bactériémie à SARM (hémocultures positives). Il est alors réalisé un pontage axillo-bifémoral avec exclusion par ligature de l’aorte sous-rénale, ainsi qu’une suture duodénale avec cholécystectomie ; la patiente est prise en charge en dialyse pour IRC.
Ce dossier est complexe sur le plan du partage éventuel des responsabilités :
- Maladresse fautive du chirurgien digestif par défaut de repérage per-opératoire de l’uretère ?
- Risque de sténose urétérale après l’intervention urologique en urgence
- Non transmission et prise en compte d’un ECBU pré-opératoire (culture positive à SARM) pour la seconde intervention urologique
- Prise en charge des différentes bactériémies par antibiothérapie inadaptée
- Pose d’une endo-prothèse vasculaire en ayant méconnu le contexte et le risque infectieux
Le Pôle Urologie Branchet pour vous assister
L’urologie est une spécialité particulièrement attractive par son champ très large d’activités médico-chirurgicales et par son aptitude à l’innovation, qu’elle soit technologique ou médicamenteuse. Ces spécificités obligent l’urologue à se former pendant toute sa carrière, avec pour corollaire une organisation de son temps de travail que ce soit au sein d’une équipe d’associés ou d’un service hospitalier, tout en préservant au mieux l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Mais, la réalité peut être tout-autre « sur le terrain » pouvant conduire à l’isolement, à l’épuisement professionnel et à la faute. Plusieurs éléments peuvent y contribuer : l’insuffisance de formation et la méconnaissance de ses limites avec, par exemple, défaut d’adaptation à une situation imprévue ; une mauvaise gestion du stress, un problème récurrent de communication ou de coordination au niveau du bloc opératoire sont aussi incriminés.
👉 Il faut ainsi souligner que les facteurs humains et organisationnels sont les premiers responsables des erreurs et des événements indésirables. La pression administrative et financière, la surcharge de travail, l’exigence de la relation avec le patient, les conflits internes éventuels créent une tension dangereuse au quotidien. Le burn-out touche 30 à 40% d’entre nous.
Il est bien connu que la prévention du risque médico-légal passe d’abord par la qualité et le renouvellement permanent de la formation, L’AFU y est en première ligne. En complément du système d’accréditation des urologues et d’Urorisq , Branchet mène une politique de prévention exemplaire avec l’Asspro Truck et les formations Branchet Solutions. Elle permet de délivrer au pied de l’établissement et du bloc opératoire des sessions de formation et d’échanges sur les différentes composantes du risque et la façon de s’en prémunir. Pour l’Urologie, deux sessions interactives validées DPC en uro-infectiologie et en uro-gynécologie vous placent dans les conditions d’une expertise.
En cas de mise en cause ou de tout autre questionnement sur votre responsabilité, Branchet est à votre écoute et à vos côtés, vous assurant un système de défense performant associant juristes, avocats spécialisés en droit médical et assistants-conseils de votre spécialité, lesquels vous aideront à préparer au mieux votre dossier et vous accompagneront tout au long de l’expertise.
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Jean-Luc Moreau, Chef du pôle Urologie Branchet – Publié le 21 août 2023