Médecins – L’essentiel sur le défaut d’information

L’information est un élément essentiel dans la relation de confiance entre le médecin et son patient. En ce sens, le législateur, la jurisprudence et le code de déontologie font tous peser sur les professionnels de santé une obligation d’information. Tout manquement à ce principe peut ainsi être lourdement sanctionné par les juridictions françaises et engendrer des poursuites disciplinaires.

A travers cet article nous étudierons le contenu de l’obligation d’information et les répercussions en cas de manquement du praticien à cette dernière Précisons que cet article n’a pas vocation à traiter des situations de droit impliquant des modalités particulières (personnes incapables mineures et majeures).

Une brève définition du défaut d’information

Le grief du défaut d’information peut être invoqué à l’encontre d’un médecin même en l’absence de faute dans la réalisation de l’acte médical. Ainsi, le défaut d’information peut être retenu en cas d’aléa thérapeutique. En effet, le médecin pourra être condamné à indemniser le patient s’il a manqué à son obligation d’information à propos des risques qui se sont réalisés, même si ce dernier n’a commis aucune faute dans l’exercice de son art.

Ainsi, le reproche du défaut d’information découle du manquement du médecin à son obligation d’information envers son patient. Même si ce principe peut sembler acquis et connu, son application peut apparaitre floue.

Définition et contenu de l’obligation d’information

La jurisprudence et les règles déontologiques ont défini de longue date l’obligation d’information, il faudra néanmoins attendre la loi Kouchener de 2002 pour voir le législateur entériner l’obligation d’information du médecin. Ainsi, la loi Kouchner consacre ce devoir du médecin comme un droit du patient à être informé sur son état de santé à travers l’article L.1111-2 du Code de la santé publique:

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».

Le médecin doit correctement informer le patient de son état de santé, des traitements et soins envisagés ainsi que les conséquences et risques y étant attachés. L’information porte ainsi sur l’ensemble des actes médicaux, mais aussi sur l’opportunité de l’acte et les risques qu’il comporte.

S’agissant des risques, le médecin doit informer le patient de ceux qui sont fréquents,graves et normalement prévisibles ; mais également des risques rares même s’ils sont exceptionnels[1]. Les juges ont pu confirmer que les risques graves connus ainsi que des risques fréquents même dépourvus de gravité doivent être porté à la connaissance du patient[2]. Le patient doit également être informé des alternatives thérapeutiques et des risques inhérents aux soins prodigués[3], mais aussi des risques encourus en cas de refus des actes proposés. L’obligation d’information du médecin continue après l’intervention. Il doit informer le patient du déroulé de l’acte médical. Dans le cas où l’opération ne se serait pas déroulée comme prévu, le médecin doit informer le patient des causes et conséquences qui pourront être liées à l’acte dommageable.

👉 Rappelons par ailleurs que les informations faisant parties de l’obligation du médecin seront appréciées par les juges au regard des données acquises par la science au moment de leur transmission.

Quelles sont les qualités que doivent revêtir ces informations ?

L’article 35 du Code de déontologie (article R.4127-35 du Code de la santé publique) nous renseigne sur les qualités que doit revêtir l’information donnée au patient. L’information doit être transmise de manière : « claire, loyale et appropriée ». Cela signifie que l’information doit être délivrée de manière honnête, intelligible et adaptée à la situation du patient. La simple transmission de l’information ne suffit pas, encore faut-elle qu’elle soit comprise par l’interlocuteur.

La délivrance de l’information doit donc être personnalisée en fonction du patient et le médecin doit veiller à la bonne compréhension de ce dernier.

Une information bien comprise par le patient à impact psychologique non négligeable sur ce dernier. En effet, l’information tient une place centrale permettant de consolider la relation de confiance établit entre le médecin et son patient.

💡 Ainsi, la transmission de l’information doit trouver un équilibre entre répondre au devoir d’information devant être dispensé avec tact et hiérarchisée sans être trop brutal dans cette transmission afin de ne pas engranger de souffrance psychique chez le patient.

La transmission d’une information précise et compréhensible doit permettre au patient donner son consentement.

Derrière l’obligation faite au praticien : droit du patient et consentement

Les informations doivent être doit transmises de manière claire et précise afin d’emporter le consentement libre et éclairé du patient.

La relation patient-médecin est singulière en ce qu’elle repose – de manière générale – sur un modèle asymétrique. Le médecin, sachant face à son patient profane. La loi Kouchener a ainsi instauré un principe de « codécision » du patient et du médecin. En effet, par sa capacité à consentir aux décisions afférentes à sa santé, le patient sort d’un rôle strictement passif. Une capacité d’action lui est donnée, celle d’être partie prenante à la décisions thérapeutique[5] en donnant son consentement.

Les éléments transmis par le médecin doivent permettre au patient de prendre des décisions sur sa santé en connaissance de cause. Le patient va pouvoir accepter ou refuser les actes à visée diagnostique et/ou thérapeutique qui lui sont proposés.

➡️ Plus l’information donnée est étayée et compréhensible, plus le patient sera à même de prendre une décision consentie au sujet de sa santé. Dès lors, l’information doit être suffisamment détaillée pour évoquer les conséquences possibles de l’intervention sans que l’information ne soit trop anxiogène.

S’être acquitté de son devoir d’information est une chose, en rapporter la preuve en est une autre. 

A qui revient la charge de la preuve ?

En 1997[6] la charge de la preuve est renversée, elle pèse désormais sur le médecin et non plus sur le patient. Lorsque le grief du défaut d’information est exprimé contre le médecin, il lui appartient d’apporter la preuve qu’il a correctement informé le patient et qu’il a obtenu son consentement. Les juridictions ont considéré que cette preuve était difficile, voire impossible à rapporter pour le patient. En effet, comment rapporter la preuve d’un fait négatif ? La doctrine qualifia cette preuve de probatio diabolica ou la « preuve du diable ». Il est alors apparu cohérent pour les juges de faire peser la charge de la preuve sur le praticien.

Toutefois, comment le praticien peut rapporter la preuve qu’il a correctement informé le patient ?

Comment rapporter la preuve que l’information à bien été transmise ?

La législation impose que l’information soit délivrée au cours d’un entretien individuel. L’information doit donc être donnée oralement du médecin vers le patient. Même si aucun formalisme probatoire n’est exigé par le législateur, la preuve par l’écrit demeure la plus sûre . En effet, sur le terrain judiciaire, tout ce qui ne peut être démontré n’a pas d’existence aux yeux des juges.

Différents documents reprenant les informations oralement données peuvent donc être remis au patient :

– La fiche de consentement éclairé standardisée,

– La fiche établie par les différentes sociétés savantes qui sont spécifiques à l’intervention pratiquée.

⚠️ Ces documents doivent être datés et signés. La signature du consentement par le patient doit intervenir après un délai adapté pour que ce dernier puisse mûrir la décision et recueillir, s’il le désire, d’autres avis chirurgicaux ou d’autres informations. Cela permettra de prouver que le patient a bénéficié un délai de réflexion raisonnable pour que son consentement puisse être considéré comme libre et éclairé.

Toutefois, la tenue de ces documents ne constitue pas un moyen de preuve irréfragables et ne suffisent pas à rapporter la preuve de la correcte information du patient. Les juges auront recours à la technique du faisceau d’indices afin d’apprécier la délivrance de l’information en s’appuyant sur : le nombre et la longueur des entretiens avec le patient, les diverses correspondances, la présence de dessins ou de schémas, la tenue du dossier médical etc. En l’absence de formalisme légal imposée, les tribunaux pourront apprécier souverainement tous les moyens de preuves qui seront apportés par le médecin.

La sanction du défaut d’information

Le défaut d’information ne constitue pas en lui-même un préjudice qui ouvre droit à réparation. Pour pouvoir obtenir une réparation, le patient doit avoir subi un préjudice. En ce sens, deux préjudices peuvent découler du manquement à l’obligation d’information :

Le préjudice de la perte de chance

Le préjudice moral d’impréparation

Ces deux postes de préjudice sont distincts et peuvent se cumuler.

La perte de chance est une notion jurisprudentielle qui fait disparaître pour le lésé « une éventualité favorable »[7]. Ainsi, l’on considère que le patient mal informé a perdu une chance de refuser les soins. Le défaut d’information fait donc perdre une chance d’éviter le dommage. Les juges apprécient la perte de chance en appliquant un pourcentage correspondant à la chance que le patient avait de renoncer à l’opération s’il avait été correctement informé.

Le préjudice d’impréparation considère quant à lui que la victime n’a pas pu anticiper la réalisation d’un risque lié à l’opération. C’est-à-dire qu’il n’a pas pu se préparer psychologiquement à un risque possible qui s’est réalisé et dont il ignorait l’existence.

Les exonérations possibles du médecin face au grief du défaut d’information

La loi prévoit que le médecin peut être dispensé de son obligation d’information en cas d’urgence ou d’impossibilité d’informer le patient (problème de compréhension ou exception thérapeutique).

Par ailleurs, le patient peut exprimer sa volonté de ne pas être informé des risques inhérents à un acte médical.

Dans les autres cas, le médecin sera tenu de prouver que le patient a bien été le destinataire d’une information claire, loyale et appropriée.

L’importance de l’obligation d’information

En définitive, il est capital de correctement informer le patient et de conserver les traces de la transmission d’informations. D’un point de vue juridique une bonne traçabilité des informations données au patient permettra de rapporter la preuve que le médecin a correctement répondu à ses obligations. La conservation des échanges et des documents doit être considérée comme fondamental, à défaut la preuve du respect par le médecin de son devoir d’information ne pourra être établie.

Mise en ligne le 23 mai 2024 – Service Juridique Branchet


[1] ANAES – recommandations destinées aux médecins – information des patients – mars 2000

[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 octobre 2016, 15-16.894, Publié au bulletin

  Conseil d’État, 5ème – 4ème chambres réunies, 19/10/2016, 391538, Publié au recueil Lebon

[3] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 janvier 2012, 10-24.447, Inédit

[4] A. Catherine, La codécision: entre mythe et réalité, in AFDS, Consentement et santé, Dalloz, 2014, p. 119.

[5] ANM, Rapport 21-09. La relation médecin-malade séance du 22 juin 2021

[6] Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 25 février 1997, 94-19.685, Publié au bulletin

[7] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 octobre 2010, 09-69.195, Publié au bulletin