Responsabilité professionnelle en radiologie

Médecin regardant une radiographie des poumons

Tout ce qu’il faut savoir sur votre responsabilité médicale en tant que radiologue, les enjeux en matière de radiologie et d’imagerie, les erreurs évitables et les risques liés à votre profession.

Sur le plan procédural

Il faut reconnaître qu’en cas de demande d’indemnisation, le radiologue est rarement seul en première ligne, étant souvent appelé en cause secondairement (ex : Cass.29 novembre 2015 appel en garantie à l’encontre d’un radiologue ayant réalisé une mammographie pour un gynécologue, sans mentionner dans le compte-rendu écrit adressé à son confrère, l’ensemble des informations fournies par la mammographie et permettant un diagnostic. La Cour de Cassation précise : « il incombe au médecin ayant réalisé un acte médical à la demande d’un confrère, d’informer ce dernier par écrit de ses constatations, conclusions et éventuelles prescriptions »).

Le radiologue n’est pas à l’abri de poursuites disciplinaires, même si elles ne sont pas légion, notamment sur le fondement des articles du Code de la Santé Publique :
 

  • Donner des soins consciencieux – R 4127-32
  • Élaborer son diagnostic avec soin – R 4127-33
  • Information loyale – R 4127-35
  • Assurer la continuité des soins – R 4127-47

En revanche, le radiologue échappe quasiment toujours aux condamnations pénales, pour une question de légalité (le défaut de diagnostic étant considéré comme une perte de chance ne correspond pas aux critères de la faute pénale), sauf faute caractérisée.

Exemple de condamnation pénale en radiologie

Cass 4 juin 2013 (n° 12-84-543)

Épanchement pleural compressif consécutif au mauvais positionnement du cathéter veineux sous-clavier. Décès.

Le radiologue a commis une faute caractérisée de ne pas s’être assuré que le médecin anesthésiste prescripteur de la radiographie qui avait placé le cathéter, avait été informé de son mauvais positionnement. La Cour de Cassation a donc rappelé que les deux praticiens se devaient mutuellement assistance et devaient se tenir mutuellement informés. Condamnations pour homicide involontaire (4 mois avec sursis).

La responsabilité du radiologue est donc essentiellement engagée sur un plan civil et peut faire l’objet de poursuites judiciaires et/ou de demandes devant la C.C.I.

Textes de base et jurisprudence en radiologie

Revenons sur les textes de base s’appliquant aux radiologues, avec quelques illustrations jurisprudentielles non exhaustives quant à la diversité possible des manquements.

  • Article L 1142-1 du Code de la Santé Publique

Le praticien est responsable en cas de faute prouvée. Une expertise va déterminer si les soins ont été accomplis dans les règles de l’art.

L’acte technique doit être pratiqué dans le respect des recommandations.

  • CA DOUAI 19 septembre 2019

Survenance d’un déficit dans les suites immédiates d’une infiltration foraminale C6-C7 compliquant la névralgie cervico-brachiale présentée par le patient. Le radiologue n’a pas utilisé de produit de contraste afin de rediriger le trocart en cas d’atteinte d’une zone vascularisée, contrairement aux recommandations et n’a pas informé le patient des risques et des conséquences dommageables de sorte que le patient n’a pas reconsulté rapidement attendant une amélioration de son état.

L’erreur de diagnostic est fautive si les soins donnés n’ont pas été consciencieux.

  • TGI PERPIGNAN 22 novembre 2011

A.I.T -Monoparésie du membre supérieur droit puis membre inférieur droit et troubles visuels. IRM cervicale – Angioscanner interprété à tort par le radiologue comme normal. Abstention chirurgicale. Le patient va faire un AVC. Reste hémiplégique.

La responsabilité du chirurgien est retenue au motif qu’il devait visualiser les clichés qui montraient de façon incontestable une sténose et ne pas se contenter du compte-rendu du radiologue.

La responsabilité du radiologue est également retenue au motif que si l’erreur de diagnostic ne constitue pas une faute en elle-même lorsque le diagnostic est difficile, elle est fautive lorsqu’elle est grossière et relève de l’ignorance de données médicales ou d’une négligence.

  • CA PARIS 12 novembre 2010

Une patiente constate une anomalie sur son sein droit, constatée aussi par son médecin. Elle passe une mammographie et une échographie, le radiologue ne détecte rien au niveau du sein droit et note de petites masses kystiques sur le sein gauche. Quatre mois plus tard, un cancer du sein droit est détecté. D’où la condamnation du radiologue pour aggravation du traumatisme psychologique et perte de chance de survie fixée à 20 %.

  • CA PARIS 6 novembre 2015

Chute d’une patiente dans une gare – diagnostic d’entorse par son médecin traitant qui l’envoie faire une radio au bout de 6 jours. Elle présentait une luxation postérieure de la tête humérale gauche avec une fracture impaction de la tête humérale gauche, blessure rare non diagnostiquée par le radiologue.

Selon l’Expert il appartenait au radiologue de rechercher systématiquement la luxation antérieure et postérieure en cas de traumatisme de l’épaule. D’autant plus que le radiologue aurait dû être alerté sur le caractère inhabituellement douloureux de l’épaule sachant que l’examen clinique fait partie de ses prérogatives. Par son erreur de diagnostic, le radiologue a fait une perdre une chance évaluée à 20 % d’échapper à l’aggravation des préjudices.

Toutefois pour engager la responsabilité du praticien, le constat d’une faute ne suffit pas, il faut pouvoir constater un préjudice et un lien de causalité.

  • CA MONTPELLIER 13 février 2018

Palpation d’une boule douloureuse au sein -mammographie -diagnostic : dystrophie mammaire bilatérale, le nodule étant assimilé à un placard mastotique. Pas de nodule suspect constaté par le radiologue.

Toutefois selon l’Expert, le radiologue aurait dû demander une mammographie de contrôle dans les 6 mois du premier examen au regard des microcalcifications retrouvées non diagnostiquées. S’il y a faute, la patiente ayant néanmoins bénéficié d’examens complémentaires dans les 6 mois, il n’existe pas de perte de chance puisque pas de retard dans le traitement, donc pas de condamnation.

Les complications non fautives

Les complications non fautives survenues lors d’une imagerie sont qualifiées d’aléa mais doivent être correctement prises en charge.

  • CA AIX EN PROVENCE 5 décembre 2019

Dans les suites d’une IRM cérébrale, extravasion du produit de contraste lors de l’injection par le manipulateur radio, hématome des parties molles, et atteinte des tendons des muscles palmaires. Le manipulateur radio a alerté le radiologue qui n’a pas examiné la patiente, n’a pas noté cet évènement indésirable dans le compte-rendu ni informé la patiente.

La survenue d’une extravasion du produit de contraste est exceptionnelle. Il s’agit d’un aléa thérapeutique, mais sa prise en charge est défectueuse : application d’un pansement alcoolisé alors qu’il aurait fallu réaliser une hypothermie. Condamnation du radiologue.

Les chutes des patients lors d’examens radio

Ces chutes ne peuvent faire préjuger la responsabilité du radiologue et sont fonction de l’âge et de l’état du patient. Toutefois en cas de chute, le radiologue est astreint à une obligation de sécurité de moyens.

  • CA NIMES 5 février 2013

Patient debout pris d’un malais vagal au cours d’un examen radiologique ; invoquait par la suite une obligation de sécurité à l’encontre du radiologue. Patient qui ne présentait pas de particularité et n’était pas sous l’effet d’un traitement susceptible d’affaiblir ses capacités physiques ou de discernement qui aurait nécessité une vigilance particulière. Pas de signe préalable. Dans ces conditions, pas de faute.

  • CA BORDEAUX 2 novembre 2016

Patient qui présentait un état général déficient, en état fébrile après une dialyse, arrivé en fauteuil roulant. Placé debout pour la radio sans soutien, chute, perte de connaissance, examen sommaire du radiologue, retour en service de néphrologie sans consigne. Retour domicile, hémorragies intracérébrales avec séquelles. Par conséquent, responsabilité du radiologue et du centre d’imagerie.

Information et consentement en radiologie

  • Article 1111-2 du Code de la Santé publique relatif à l’information et au consentement du patient
  • 16 janvier 2013

Compte-rendu d’un cliché du rachis mentionnant « solution de continuité sur tige inférieure droite». Le patient se plaignait de ne pas avoir été informé par le radiologue de l’existence d’une fracture du matériel d’ostéosynthèse. La Cour de Cassation lui a finalement donné raison. Le radiologue n’a pas satisfait à son obligation d’information envers le patient, ne pouvant se retrancher derrière l’envoi du compte-rendu au prescripteur.

  • Cass 25 janvier 2017

Diagnostic d’une sténose carotidienne droite, le chirurgien vasculaire demande alors un bilan vasculaire complémentaire. Le lendemain le radiologue pratique une artériographie, la patiente présente alors une hémiplégie des membres inférieurs et supérieurs gauches.

Le chirurgien et le radiologue ont été condamnés solidairement pour défaut d’information (perte de chance d’éviter le préjudice et préjudice d’impréparation) à indemniser 50 % des préjudices. L’ONIAM a complété l’indemnisation s’agissant d’un accident médical non fautif (A.V.C – le risque qui s’est réalisé n’était pas directement lié à la pathologie de la patiente, mais au risque de détachement d’un fragment d’athérome provoqué par le contact de la sonde d’injection du produit de contraste introduite dans l’artère et donc lié à la difficulté de l’acte médical à visée diagnostique)

  • 12 octobre 2016

Arthrite septique dans les suites d’une arthrographie pratiquée dans un centre de radiologie constitué en SCM. Complication exceptionnelle.

Pas d’indemnisation des dommages liés à l’infection nosocomiale car une société civile de moyens (S.C.M) n’est pas assimilée à un Etablissement responsable de plein droit des conséquences des infections nosocomiales.

Cependant, obligation d’information du radiologue du risque d’infection non remplie.

Infection nosocomiale : cabinet de radiologie et SELARL

Il est intéressant de souligner qu’en matière d’infection nosocomiale, un cabinet de radiologie exerçant soit à titre individuel, soit sous forme de S.C.M ne constitue pas un « Établissement » au sens de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique, s’agissant simplement de mise en commun de moyens nécessaires à cette profession, sans possibilité de l’exercer elle-même. Autrement dit, le cabinet de radiologie n’est responsable qu’en cas de faute prouvée.

En revanche, une SELARL dont l’objet est l’exercice professionnel de la radiologie, encourt une responsabilité de plein droit en cas de survenue d’une infection nosocomiale liée à un acte qu’elle a pratiqué, et ce, même si elle exerce dans une clinique. En effet, elle dispose de locaux et de matériel spécialement dédiés et bénéficie d’une indépendance (est autonome dans ses protocoles d’asepsie).

  • 18 septembre 2018 et sur renvoi après cassation CA AIX EN PROVENCE 1° et 6° chambres réunies 12 septembre 2019 qui a condamné une SELARL d’imagerie au lieu d’une clinique.

Recommandations pour les radiologues

Ces principes étant rappelés, pour éviter d’avoir à affronter les affres d’une procédure, il est nécessaire pour le radiologue de :

  • Faire un interrogatoire complet notamment sur ses antécédents, précédentes imageries pour confirmer la demande d’examen du praticien
  • Donner une information complète au patient avant et après l’acte
  • Tenir compte de l’âge, de la pathologie du patient pour lui porter assistance pendant l’examen
  • Ne pas hésiter à préconiser un examen complémentaire quand les images obtenues ne sont pas bonnes ou laissent planer un doute
  • Veiller à la qualité du compte-rendu
  • Si besoin, prendre attache avec le praticien qui a demandé l’examen
  • Prendre en charge les complications survenues en supervisant les salariés
  • Signaler tout évènement indésirable
  • Remettre les clichés dans les meilleurs délais au patient ou à la structure de soins qui les a demandés

En définitive le radiologue a tout intérêt à faire assurer sa défense par un Avocat spécialisé en droit de la santé roué à cette spécialité, étant précisé que les intérêts du radiologue ne sont pas forcément les mêmes que ceux des autres professionnels de santé qui ont participé à la prise en charge du patient.

M° Véronique ESTÈVE
Avocat au Barreau de NICE
Spécialisé en droit de la Santé