Nouvelles technologies en urologie : comment les intégrer dans sa pratique ?

Nouvelles technologies santé

Avant d’intégrer une nouvelle technologie dans votre pratique urologique, quelles sont les questions à vous poser ?

  • Quelle validation technique et scientifique ?
  • Quels enjeux et buts recherchés ?
  • Quel est le contexte médico-légal ?
  • Le « proctoring », une situation à risque ?

Validation technique et scientifique

L’Urologie foisonne en innovations technologiques et en nouvelles procédures chirurgicales avec le but d’améliorer la qualité et la sécurité de la prise en charge. Leur valeur ajoutée est souvent difficile à évaluer, nécessitant une longue période de suivi, ce d’autant que les études comparatives entre techniques chirurgicales sont difficiles à mettre en place méthodologiquement et parfois soumises à des conflits d’intérêt. 

L’absence initiale de GHS et de codage PMSI complique l’évaluation d’un nouveau dispositif médical (DM). L’actualisation des recommandations HAS et des sociétés savantes avec la gradation des niveaux de preuve, sur lesquelles s’appuie l’expert lors d’une procédure médico-légale, est de fait décalée par rapport à la rapidité de l’évolution technologique.

Par ailleurs, le marquage CE n’offre pas de garantie de la pertinence ou de l’utilité de la nouvelle technologie ; il repose sur l’engagement du fabricant à respecter la législation européenne et les normes de sécurité sanitaire.

‼️ Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors de l’introduction d’une innovation technologique dans sa pratique, de s’assurer de sa validation scientifique ou encore y participer dans le cadre d’une étude institutionnelle avec registre, évaluation des résultats, d’un PHRC, d’un forfait innovation…

Enjeux et buts recherchés

L’objectif premier est l’amélioration de la qualité des soins et l’obtention d’un impact positif pour le patient, mais aussi pour le praticien dans l’évolution de sa pratique professionnelle. L’implantation d’une technologie peut être aussi un critère de recrutement pour de jeunes collègues à l’exemple du robot ; véritable « vitrine technologique », elle peut encore traduire la volonté d’une consolidation de l’attractivité auprès de la patientèle dans un contexte concurrentiel avec les autres établissements locaux et régionaux. 

📑 Une fois passés les obstacles organisationnels et budgétaires pouvant inciter les établissements à privilégier un dispositif médical à celui que vous aviez retenu (moindre coût, achat groupé…), il faut vous assurer que vous allez disposer de l’environnement matériel, technique et humain nécessaire avec par exemple salle dédiée, équipements spécifiques, personnel formé…                  

Contexte médico-légal

La base juridique de la responsabilité professionnelle du chirurgien qui utilise une nouvelle technologie est inchangée. Mais dans le cas de l’utilisation d’un DM, il n’est pas toujours aisé de dissocier les éléments purement techniques de la maîtrise du chirurgien à utiliser le dispositif et à résoudre les problèmes techniques. Sa responsabilité n’est pas clairement définie, mais elle lui incombe lorsqu’une mauvaise utilisation du DM est avérée.

Dans certains litiges, le partage des responsabilités entre opérateur, fabricant ou établissement de santé (ES) est complexe. Tout dépend de l’erreur commise et de son origine : le chirurgien est le premier responsable en cas d’utilisation incorrecte ou inadaptée du DM ou encore en raison d’une durée opératoire préjudiciable liée notamment à une insuffisance de formation de la technologie. L’ES est rarement mis en cause : défaut de maintenance, d’entretien du matériel, personnel non formé. Le concepteur et le fabricant sont exceptionnellement impliqués pour une défaillance ou un dysfonctionnement du matériel, un contrôle strict de la sécurité et des mécanismes du DM étant en général assuré.

En revanche, si on prend l’exemple du robot chirurgical, l’évaluation de la formation technique et de la capacité du chirurgien à opérer avec le robot n’est actuellement pas réglementée alors que la HAS souligne que chaque utilisateur devrait bénéficier d’une formation complète et d’un suivi régulier. La pratique de la chirurgie robotique nécessite d’abord une formation spécifique sur le fonctionnement et l’utilisation du robot et on peut souligner que la période d’apprentissage est une période à risque médico-légal, le chirurgien atteignant une durée opératoire en plateau après 20 à 50 interventions. Les formations techniques organisées par les industriels n’ont pas de reconnaissance, ni de validation au contraire d’une formation universitaire diplômante juridiquement opposable. 

Il n’y a pas d’autorisation administrative pour qu’un établissement s’équipe d’un robot ; de même, il n’y a pas de seuil d’activité réglementaire pour un chirurgien. Mais il est très fortement recommandé d’avoir une pratique régulière et graduée de chirurgie robotique. Le contexte médico-légal est différent aux USA, où les hôpitaux doivent contracter des assurances spécifiques pour la chirurgie robotique et où ils peuvent être poursuivis en justice pour avoir autorisé à opérer des chirurgiens insuffisamment formés. Quant aux chirurgiens, ils peuvent être condamnés sur un défaut de consentement ou sur leur manque de compétence pour utiliser le robot.

En expertise médico-légale, la responsabilité du chirurgien peut donc être mise en cause pour une question de compétence en chirurgie robotique qu’elle soit liée à une insuffisance de formation et de pratique ou encore à une durée inappropriée des temps opératoires entraînant des complications. L’information-patient doit être complétée et adaptée sur les risques de dysfonctionnement du robot, de report de l’intervention, de conversion en procédure ouverte ou coelioscopique sans oublier l’information sur le bénéfice/risque de la chirurgie robotique   et les autres options de traitement.

⚠️Obtenir le consentement du patient sans avoir une expérience suffisante en chirurgie robotique et sans l’en avoir informé pourrait représenter une question très critique. La traçabilité est un des piliers du dossier d’expertise ; les différents événements indésirables et tout dysfonctionnement ou panne du DM doivent donc être tracés dans le dossier médical.

« Proctoring », compagnonnage

Il s’agit en l’occurrence de l’assistance opératoire ponctuelle d’un spécialiste expert d’une technique, participant ainsi à l’apprentissage et à la formation d’un collègue dans son établissement. Ce système de formation sur site, de type compagnonnage, est en général organisé et financé par un industriel.

Des complications sont malheureusement survenues dans ces situations et des procédures civiles ou pénales ont pu être engagées ; il arrive que le praticien assisté défausse sa responsabilité sur le praticien assistant qui n’a jamais rencontré le patient. De fait, il y a dans la définition du compagnonnage un vide juridique complet qui entraîne une absence totale de définition des limites de responsabilité du praticien assistant et du praticien assisté.

Il n’existe aucun texte officiel ni aucune autorité permettant de valider la qualité d’expert ; la responsabilité médico-légale du proctor est réelle mais le plus souvent occultée. Pourquoi le patient n’a-t-il pas été pris en charge dans le centre référent, alors même qu’il y a été transféré pour la complication ? pourquoi n’a-t-il pas été informé par son chirurgien des conditions liées au compagnonnage ?

👉On distinguera entre le rôle de conseil et la participation active du chirurgien assistant à l’intervention. Il est indispensable de mettre en place une charte du compagnonnage comportant l’autorisation de l’établissement, l’information et l’accord préalables du patient, la visite préopératoire du praticien formateur, la définition du rôle de chacun, un CRO adapté, le type de couverture assurantielle…

Dr Jean-Luc MOREAU, Chirurgien urologique et Chef de pôle Urologie Branchet

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En cas de mise en cause ou de tout autre questionnement autour de votre spécialité, le pôle urologie Branchet vous accompagne et vous offre un système de défense performant alliant juristes, avocats spécialisés en droit médical et assistants-conseils en urologie, afin de vous assister au mieux dans la pratique de votre exercice et au cas où votre responsabilité serait engagée (préparation de votre dossier, accompagnement durant l’expertise…)

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