A propos des complications de la chirurgie de l’endométriose

A l’occasion de la 3è rencontre médicolégale de gynécologie obstétrique organisée par le Dr Patrick FOURNET qui s’est tenue le 22 mai 2025, dans l’auditorium de la Sorbonne à PARIS, Me Véronique ESTEVE a abordé les complications de la chirurgie de l’endométriose devant un public d’Experts et d’Avocats et juristes.

Nous vous proposons à cette occasion de revenir sur la distinction qui est faite entre complication fautive et accident médical non fautif.

Nous n’aborderons pas le volet de l’information qui doit être particulièrement exhaustive, ni celui du diagnostic donc chacun sait qu’il est particulièrement difficile en matière d’endométriose, ni celui de l’indication.

Nous partirons du principe que les praticiens, objet de cette étude, étaient tous des opérateurs aguerris dans le domaine de l’endométriose.

Rappel des règles de droit 

La responsabilité d’un praticien fondée sur une obligation de moyens, est  encourue en cas de faute prouvée (maladresse, inattention, imprudence, non- respect des règles de l’Art) en vertu de l’article L 1142.1 du Code de la Santé Publique.

Le rapport d’expertise constitue une pièce essentielle permettant d’éclairer les parties et  le Juge afin de pouvoir donner une solution au litige, au travers d’une analyse médico-légale.

Le Tribunal (ou la CCI) peut ordonner une contre-expertise quand il existe des zones d’ombre ou de contradictions dans le rapport, ou en fonction de nouveaux éléments scientifiques que les parties peuvent communiquer et de la pertinence de leurs arguments.

Ceci étant rappelé, il convient d’admettre que, quelles que soient la prudence, la vigilance et les bonnes pratiques, les patientes ne sont pas à l’abri de complications, d’autant que les risques en la matière sont majorés (notamment par l’existence d’adhérences).

L’indemnisation peut être accordée aux patientes en cas de manquement, de défaut d’information, mais également en cas de survenue d’une complication non fautive.

En cas d’accident médical non fautif, les patientes peuvent obtenir une indemnisation par l’ONIAM, pour autant que les conditions de gravité (article D 1142.1 du Code de la Santé Publique) et d’anormalité soient remplies (article 1142.1- II du Code de la Santé Publique).

Or pendant longtemps les patientes se sont particulièrement heurtées à des refus, les juridictions considérant que les conditions d’anormalité ne pouvaient être remplies, au regard de l’évolution de leur pathologie.

La jurisprudence 

C’est l’interprétation des règles de droit sur un plan pratique, qui est amenée à évoluer.

Le 22 mars 2017, le Conseil d’Etat a accueilli favorablement une demande d’indemnisation en jugeant que les conséquences de l’accident médical étaient notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée par sa pathologie en l’absence de traitement chirurgical, ce qui a permis à la patiente d’être indemnisée par l’ONIAM.

Cette interprétation de la règle de droit étant venue au secours des patientes, il a été récemment jugé par le Tribunal Judiciaire de LILLE le 28 janvier 2025 qu’une lésion de l’uretère au cours d’une hystérectomie pratiquée dans le cadre d’un traitement de l’endométriose, constitue un accident médical non fautif, le risque de lésion de l’uretère étant de l’ordre de 0,3 %, aucune méthode chirurgicale permettant d’écarter ce risque (perte d’un rein – séquelles graves et anormales par rapport à la pathologie).

Toutefois il n’est pas toujours aisé de faire un distingo entre la faute technique et la complication non maitrisable.

On attend du praticien une vigilance au cours du geste opératoire et une attention soutenue en post opératoire afin de déceler les moindres signes de survenue d’une complication, et de réagir en conséquence.

Il peut être alors nécessaire dans certains cas de faire appel à un chirurgien digestif ou un urologue pour gérer la complication.

A titre d’exemple, lors d’une cœlioscopie pour endométriose pelvienne, il a été reproché à un praticien la survenue d’une plaie large iléale sur un segment sain non concerné par l’endométriose (absence d’adhérences intestinales) qui n’avait pas été repérée, alors que les pinces de cœlioscopie sont connues pour être à l’origine de lésions traumatiques.

L’Expert avait évoqué toutes les causes de survenue de plaie en pareil cas, et en procédant par élimination, a privilégié la survenue d’une plaie intestinale secondaire censée être maitrisable par une bonne utilisation des pinces, notamment hors du champ de vision de la caméra : introduction et retrait des pinces et lors du maintien d’un écartement de l’intestin.

L’Expert a souligné qu’en fin d’intervention, une inspection et un rangement du grêle manipulé auraient permis de faire le diagnostic de la plaie large.

La complication a été qualifiée de fautive, ayant été à l’origine d’une péritonite.

La patiente a été indemnisée de ses préjudices. (T. Judiciaire Marseille 16 mai 2024)

A contrario il a été jugé que la complication (péritonite) pouvait être qualifiée d’aléa pour une plaie survenue lors d’une hystérectomie diagnostique avec résection de l’adénomyome kystique sous cœlioscopie avec épreuve au bleu au motif que la plaie punctiforme qui est survenue était extrêmement limitée en taille et n’était pas détectable lors de l’intervention, ni en post opératoire immédiat, les 1° signes étant apparus à J+3 après le retour à domicile.

L’Expert n’a pu distinguer si la perforation de l’intestin grêle provenait de l’hystérectomie ou de la cœlioscopie, mais a envisagé toutes les hypothèses en donnant le taux de risque de plaie pour chacun des gestes.

Par ailleurs, le compte rendu opératoire du chirurgien était très exhaustif et démontrait qu’il avait agi avec prudence, mentionnant que la résection de la muqueuse endométriale n’avait pas été poursuivie par risque de perforation.

Enfin le Tribunal a considéré que la seule circonstance que le chirurgien ait perforé l’intestin grêle, organe distinct de celui qui faisait l’objet de l’intervention, ne suffit pas à caractériser le geste fautif en raison de la proximité anatomique de l’intestin grêle avec l’utérus, les ovaires et le gros intestin, ce qui explique que la perforation de l’intestin grêle constitue une complication rare mais connue et documentée par la littérature médicale en cas d’intervention hystéroscopique et cœliochirurgicale : 0,12 à 3 % dans le cas de l’hystéroscopie, 0,13 % pour la cœlioscopie. (T. Judiciaire Toulon 24 avril 2025)

Dans les deux dossiers cités supra, les Experts ont procédé à des analyses particulièrement étoffées sur un plan scientifique.

A défaut d’explications étoffées, un rapport peut faire l’objet d’une requalification en droit par les Tribunaux.

A titre d’exemple, on peut citer une décision provenant de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX du 3 juillet 2017 qui a requalifié une complication qualifiée de non fautive par un collège d’Experts, en complication fautive.

Il s’agissait d’une intervention pour ablation de lésions d’endométriose qui s’était compliquée d’une fistule ayant pour origine une nécrose, conséquence d’une exérèse trop profonde des lésions d’endométriose.

Les Experts avaient considéré que la nécessité « d’enlever ni trop, ni trop peu des lésions rend ces interventions très délicates » concluant à un aléa.

La Cour d’Appel a jugé que le risque d’une exérèse trop appuyée ne constitue pas un risque inhérent à ce type d’intervention mais découle d’un geste technique inapproprié, condamnant l’hôpital à indemniser la patiente. 

cas juridique Responsabilité médicale

En conclusion

Mes recommandations :

  • Expérience et compétence justifiée
  • Dossier médical complet et étoffé
  • Information exhaustive
  • C.R.O rigoureux comprenant la démarche suivie
  • Approche pluridisciplinaire (appel au tiers compétent) en cas de complication
  • Présence indispensable du praticien à l’expertise 

Me Véronique ESTEVEAvocat spécialisé en droit de la santé et de la responsabilité

Cabinet ESTEVE-RUA

Barreau de NICE