Mauvaise prise en charge des ISO

chirurgiens pratiquant sur une table d'opération

Une étude interne Branchet a permis de souligner l’importance des ISO (infections des sites opératoires ostéo-articulaires) dans les recours des patients contre leur chirurgien.

A titre d’exemple en ce qui concerne la prothèse totale de hanche, les ISO représentent la première cause de plainte avec 24% des dossiers (période analysée : 2014-2017). 

Dans la très grande majorité des histoires cliniques, la pratique du chirurgien n’est pas prise en défaut (indication, réalisation technique, origine de l’ISO). En revanche la prise en charge de l’ISO (une fois celle-ci déclarée) n’est pas optimale dans près de 40% des cas.

Les infections sur prothèse sont l’objet de travaux constants dans le domaine du diagnostic et du traitement.

Le texte qui suit résume quelques données récentes (non exhaustives) dans ce domaine (littérature et congrès).

Tendances dans la prise en charge des ISO

Les éléments rapportés NE CONSTITUENT PAS DES RECOMMANDATIONS mais des tendances dans la prise en charge des ISO en chirurgie orthopédique. Elles doivent être prises en compte comme telles.

L’objet de ce document est de vous informer de ces tendances sans aucun caractère contraignant ou incitatif dans vos pratiques.

  • La concordance entre les résultats de la culture d’une ponction articulaire pré-opératoire et les prélèvements peropératoires est comprise entre 50 à 88% des cas selon la littérature ; ceci signifie en pratique que la ponction articulaire pré-opératoire reste essentielle pour sa valeur diagnostique mais qu’elle ne permet pas toujours d’identifier de manière certaine le germe responsable. Ce sont les prélèvements peropératoires, indispensables, qui seront déterminants.
    En revanche, le résultat de la ponction pré-opératoire peut parfois aider à confirmer la présence d’un germe « peu agressif » (par exemple Staphylococcus epidermidis, Cutibacterium acnes) s’il a été retrouvé dans la ponction puis à nouveau sur un prélèvement peropératoire.
  • Il est classiquement recommandé d’envisager le maintien des implants lorsque le délai par rapport à l’implantation et la reprise est inférieur à 4 semaines et l’évolution des signes cliniques d’infection de moins de 3 semaines, en situation d’infection post-opératoire précoce. Des travaux récents suggèrent néanmoins que ces délais ne sont pas les seuls paramètres associés au risque de succès/échec de la reprise.

Deux scores de risque d’échec pour les patients opérés avec maintien des implants ont été récemment proposés.
Il s’agit du KLIC score (la fonction rénale, une cirrhose, une arthroplastie pour fracture, une prothèse cimentée et la valeur de la Protéine C réactive-CRP sont des facteurs défavorables et peuvent inciter à ne pas garder les implants) et du CRIME 80 (une broncho-pneumopathie chronique obstructive, la valeur de la CRP, une polyarthrite rhumatoïde, le sexe masculin sont défavorables et peuvent inciter à ne pas garder les implants).
De plus, la limite des 4 semaines post-implantation est discutée par des travaux récents montrant que le pronostic des patients opérés avec maintien des implants dans les 4 semaines suivant l’implantation est comparable à celui des patients opérés entre la 4ème et la 12ème semaine.

  • Une étude multicentrique prospective randomisée conduite en Angleterre a récemment montré que les patients traités pour une infection ostéo-articulaire (toutes infections y compris dans les prothèses ostéo-articulaires), avaient les mêmes chances de rémission de l’infection qu’ils soient traités par antibiothérapie orale (lorsque les antibiotiques sont disponibles par voie orale) ou intraveineuse après une période initiale d’antibiothérapie post-opératoire intraveineuse (de 7 jours ou moins dans le bras « oral »).

Il est également montré dans cette étude que les coûts en rapport avec la réduction de la durée moyenne de séjour et les effets secondaires en relation avec l‘administration parentérale étaient significativement diminués dans le groupe traité par voie orale par rapport à l’autre groupe.

  • De nombreuses études ont établi le rôle majeur du changement des pièces mobiles d’une prothèse ostéo-articulaire en cas de reprise septique avec maintien des implants associée au lavage pulsé et la synovectomie.

En situation urgente avec matériel indisponible, il est cependant préférable de privilégier une reprise chirurgicale rapide plutôt que de reporter le geste afin de disposer du matériel à changer.

  • La durée de l’antibiothérapie des infections de prothèses ostéo-articulaires actuellement recommandée est de 6 à 12 semaines, ce qui représente une fourchette très large, les conséquences en termes de coût, tolérance et perturbation des flores commensales de l’organisme n’étant pas forcément identiques. Il était donc important de pouvoir comparer dans une étude méthodologiquement recevable ces deux durées de traitement.

Une étude prospective randomisée multicentrique a été conduite en France et ses résultats non publiés pour le moment et présentés au congrès national d’infectiologie de juin 2019 suggèrent que le risque d’échec est significativement majoré quel que soit l’option chirurgicale (maintien des implants, remplacement en un ou deux temps) lorsque les patients sont traités pendant 6 semaines versus un traitement de 12 semaines.

Une autre étude prospective comparant 8 versus 12 semaines menée en Espagne chez des patients traités par maintien des implants pour une infection à staphylocoques avait établi l’absence de différence entre les deux groupes de patients. Il est donc difficile de déterminer actuellement la durée minimale efficace de l’antibiothérapie des prothèses ostéo-articulaires mais il apparaît que les arguments en faveur d’une durée de 6 semaines semblent actuellement insuffisants.

Pr Eric Senneville, infectiologue
avec l’équipe du pôle d’orthopédie Branchet
Dr Frédéric Sailhan, directeur du pôle
Pr Laurent Obert
Dr Christophe Lebrun
Dr Christian Delaunay
Dr Thierry Favier

Références bibliographiques      
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