Sur la route des châteaux de la Loire, le Dr Tamalou venait de s’arrêter pour réparer une crevaison de son vélo quand son téléphone vibra. Un recommandé venait d’arriver au cabinet. Objet : saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) par M. Justin Fléchi, ancien patient opéré en 2020 d’une ostéotomie tibiale de valgisation.
À l’époque, Monsieur Fléchi souffrait d’un genou varum douloureux – une jambe arquée, une arthrose débutante, son poste de cariste était devenu intenable. Le geste avait été propre. Mais aujourd’hui, il se disait diminué, en souffrance, et licencié pour inaptitude.
Première CCI : ne pas paniquer, s’organiser
Tamalou appela aussitôt Mme Juris Prudence, juriste chez Branchet.
— C’est ma première CCI… Je fais quoi ?
— On ne panique pas. Ce n’est pas une procédure judiciaire. M. Fléchi demande une expertise, et la CCI a désigné un chirurgien orthopédiste. Vous allez recevoir une convocation dans les jours à venir.
Elle lui expliqua les contours : la procédure est amiable, gratuite pour le patient, et mobilise automatiquement l’ONIAM — l’organisme public qui indemnise en cas d’accident médical non fautif. L’enjeu n’est donc pas de se défendre contre une accusation de faute, mais de démontrer que l’évolution, même défavorable, reste conforme aux règles de l’art.
Une défense bien préparée
Dans les 48h, Madame Juris Prudence constitua l’équipe : un avocat spécialisé en droit de la santé et un chirurgien-conseil orthopédiste. Le dossier fut extrait, une déclaration circonstanciée rédigée. Le médecin relut ses notes : indication validée, consentement signé, technique maîtrisée. Mais il y avait un point aveugle. L’algodystrophie n’était pas mentionnée noir sur blanc dans les documents d’information du patient.
Une réunion de briefing fut organisée en amont de l’expertise.
— Le geste était bon. L’algodystrophie est une complication rare, 3 % des cas selon la littérature, affirme le médecin-conseil, lui-même chirurgien du membre inférieur. Â
— Et l’information ? Demanda Tamalou.Â
— Rien dans le consentement signé. Mais vous lui avez écrit avant l’opération et avez évoqué cette complication. Ce mail nous sauve, conclut l’avocat. Â
Expertise : une faille, mais pas de faute
Le jour de l’expertise, Tamalou était prêt. L’expert orthopédiste désigné par la CCI valida l’indication, la technique, le suivi. Mais nota le bémol : pas de trace formelle dans le dossier de l’information sur le risque d’algodystrophie.
Le rapport fut remis deux semaines plus tard. L’expert concluait à un accident médical non fautif, avec caractère anormal au regard du faible taux de survenue. L’information orale, relayée par le mail, fut jugée suffisante.
Quelques semaines après, l’ONIAM notifia à M. Fléchi une proposition d’indemnisation. Aucune faute n’étant retenue contre le Dr Tamalou, il ne serait pas poursuivi.
Sur la terrasse d’un hôtel à Saumur, le médecin sirotait un thé glacé en regardant la Loire. Dans son carnet, il nota :
Informer, tracer. Ne pas négliger ce qui est rare. Le mail, c’est bien mais pas suffisant. Revoir le patient. Lui réexpliquer, prendre plus de temps. Préserver une relation de confiance.
Ce qu’il faut retenir
La CCI, comment ça marche ?Â
Quand un patient pense avoir subi un dommage après un soin ou une opération, il peut saisir la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CCI). C’est une procédure gratuite et non judiciaire, qui vise d’abord à organiser une expertise médicale contradictoire entre le patient, le médecin et leurs représentants.Â
Et l’ONIAM dans tout ça ?Â
Si l’expertise conclut à un accident médical non fautif (une complication rare, imprévisible, sans erreur médicale), c’est l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) qui peut prendre le relais pour indemniser le patient.Â
Pas une procédure contre le médecin ?Â
Non, pas forcément. L’objectif est d’évaluer objectivement ce qui s’est passé, et de déterminer si un dommage peut être réparé, même en l’absence de faute. Mais si l’expertise identifie une erreur, le professionnel de santé peut aussi être tenu d’indemniser le patient, suivant l’avis de la CCI.Â
Et si le patient n’est pas satisfait ?
 Il peut toujours décider de porter l’affaire devant les tribunaux. Â
Pour aller plus loin, écoutez notre podcast avec Me Marie BELLOC
🎧 Médecins et mises en cause 1/2 : https://podcast.ausha.co/dites-33-1/4-medecins-et-mises-en-cause-1-2
🎧 Médecins et mises en cause 2/2 : https://podcast.ausha.co/dites-33-1/4-medecins-et-mises-en-cause-2-2
Alexia FARRY, Head of communication, PR & Content Branchet Solutions, avec le concours du service juridique Branchet