Radiologues et bloc opératoire : quels risques, quelle prévention ?

Médecin regardant une radiographie des poumons

Quelques questions au Pr Alain Blum, chef de pôle Branchet en radiologie, chef de service au CHU de Nancy du service d’imageries ostéoarticulaires (service d’imageries de Guilloz). Le Pr Blum est aussi l’actuel président de la Société d’Imagerie Musculo-Squelettique (SIMS) et également Expert sur la liste de la CNAM-MED et près de la cour d’appel de Nancy.

Comment le radiologue s’intègre-t-il à l’équipe du bloc opératoire aujourd’hui ?

A.B : Il est vrai que les radiologues pratiquent davantage la radiologie interventionnelle et celle-ci s’apparente de plus en plus à une pratique chirurgicale. Il faut reconnaître que les frontières entre les spécialités deviennent plus poreuses et nous avons de ce fait une problématique commune. Quant à travailler au bloc opératoire, c’est une chose relativement nouvelle. Un certain nombre de salles de radiologie interventionnelle sont aujourd’hui localisées dans un environnement de bloc opératoire. C’est une tendance forte et toutes les grosses structures sont en train de mettre ce type d’organisation en place.

Aujourd’hui les radiologues travaillent sur leurs équipements en dehors d’un bloc opératoire, souvent en équipe avec un anesthésiste, parfois en association avec d’autres spécialités. Par exemple au départ, nous faisions les vissages percutanés avec les orthopédistes et aujourd’hui nous réalisons ce geste sans eux mais avec les anesthésistes bien sûr.

Pour être plus précis sur l’organisation des équipes, la radiologie n’est pas uniquement classée entre le diagnostic et l’interventionnel, nous avons en général une surspécialité en urologie, viscéral, oncologie, ostéo-articulaire etc. Et là, l’équipe se constitue entre personnes de la même thématique médicale. Par exemple dans mon service, on travaille en lien étroit avec les orthopédistes et les neurochirurgiens.

Quels sont les risques médico-légaux en radiologie ?

A.B : En dehors de certaines surspécialités comme par exemple la neuroradiologie, qui ont depuis longtemps une culture du risque, les radiologues sont très en retard par rapport aux chirurgiens et aux anesthésistes en termes de procédures et de prise de conscience des risques, de leur évitement et de la prévention. Il faut une prise de conscience. Il y a une courbe d’apprentissage mais également des changements organisationnels à envisager.

J’en veux pour exemple la notion de consultation avant l’acte interventionnel qui est nécessaire pour délivrer une information claire et loyale au patient. Eh bien cet élément est souvent manquant parce que par le passé, le radiologue se considérait comme un prestataire de service et il se pensait à ce titre-là exempt des risques médico-légaux liés au défaut d’information.

Aujourd’hui, le radiologue a pris conscience de sa responsabilité liée aux actes qu’il pratique, même sur proposition d’autres médecins. Le radiologue doit informer lui-même le patient. Il ne peut pas se contenter d’une hypothétique information délivrée par un correspondant et il doit être en mesure de justifier la pratique de l’acte. Donc cette prise de conscience est importante mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Vous parliez du défaut d’information qui est finalement un facteur de risque assez commun à toutes les spécialités mais qu’en est-il du geste opératoire en radiologie ?

Même en l’absence de faute technique, une complication d’un geste peut survenir. Par exemple une vertébroplastie comporte un risque infectieux, neurologique ou vasculaire. En général, les patients qui bénéficient de ce type de geste sont bien informés car tous ceux qui réalisent des vertébroplasties pratiquent également des consultations. De plus, dans certains centres, les indications de ces gestes résultent d’un STAFF ou d’une RCP.

En revanche, l’information peut manquer dans le cas d’une infiltration qui représente l’un des actes les plus fréquents en radiologie interventionnelle et même si c’est un geste simple, de niveau 1, il n’est pas dénué de risques. Il comporte un risque de complications à type de paraplégie ou même de tétraplégie pour les infiltrations cervicales.

Par conséquent, il est essentiel que le patient ait été informé des risques au moins 48H avant la pratique de l’infiltration et là, on se rend bien compte qu’on est confronté à la difficulté de mettre en place des consultations pour un nombre tellement élevé de patients qu’aucun centre n’est mesure de le faire sous peine de bouleverser totalement les organisations.

Dans tous les cas, les radiologues doivent être formés à la délivrance de l’information.

Quand on est chef de pôle, on a aussi un rôle de porte-parole, quels sont les messages de prévention que vous souhaitez faire passer ?

A.B : Concernant les risques médico-légaux, j’aimerais communiquer sur les erreurs les plus simples à ne pas commettre pour prévenir ces risques. Les formations Branchet comme « Faites entrer l’assuré » sont aussi une très bonne mise en situation car on se rend bien compte en expertise que les praticiens sont souvent décontenancés même coachés par leur avocat et leur médecin-conseil. Ils sont parfois même très altérés lorsque l’issue est négative même s’ils n’ont pas été fautifs. Pourtant, il n’aurait pas fallu grand-chose pour prévenir tel accident ou tel aléa et je pense que c’est important de faire un travail de prévention.

Qu’est-ce-qui vous a motivé à rejoindre Branchet et à monter le pôle radiologie ?

A.B : Branchet est très connu chez les orthopédistes et les anesthésistes-réanimateurs et j’ai des confrères amis, experts ou chefs de pôle dans ces spécialités, qui m’en ont parlé. Ils m’ont dit que la défense des médecins était de qualité et que les formations étaient intéressantes et enrichissantes.

Mon expérience d’Expert (sur la liste de la CNAM-MED et près de la cour d’appel de Nancy) m’a aussi fait prendre conscience de l’impréparation de mes collègues radiologues.

Ce qui m’a plu chez Branchet c’est aussi cette défense commune et réfléchie des différents acteurs médicaux mis en cause. Cette notion d’équipe correspond à des valeurs que je partage. Les défenses individuelles sont parfois contre-productives.

L’exemple type c’est le patient qui doit être pris en charge en urgence. Selon un enchaînement malheureux, cette prise en charge est tardive et inadaptée avec une issue délétère. Le patient bénéficie d’un scanner tardif ou mal interprété ou interprété tardivement et parfois sur la base d’informations cliniques insuffisantes ou parcellaires. Le chirurgien n’est pas alerté suffisamment tôt ou l’intervention chirurgicale est retardée. Il y a surement des responsabilités partagées par le médecin traitant, l’urgentiste, le radiologue et le chirurgien. L’organisation du système de soin peut également être mise en cause. Dans ce cas de figure, une défense individuelle peut être contre-productive. Le débriefing devrait également permettre de réfléchir aux mesures préventives.